Analyse
Mer Noire : Intensification probable des attaques maritimes après les récentes frappes ukrainiennes contre des pétroliers liés à la Russie
11 DÉC. 2025
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5 mins de lecture

Points clés :
- Les récentes attaques ukrainiennes visant des navires et des infrastructures énergétiques liés à la Russie devraient entraîner une intensification des frappes de représailles russes contre les ports ukrainiens et les navires commerciaux.
- Les actions menées par la Russie comme par l’Ukraine pourraient perturber les exportations d’énergie ainsi que les expéditions de céréales, avec des répercussions potentielles sur les négociations et la stabilité régionale.
- La poursuite des attaques maritimes menace les principales routes de navigation, accroît les coûts d’assurance et risque de provoquer d’importantes perturbations des chaînes d’approvisionnement.
Les attaques maritimes observées en mer Noire signalent une dangereuse escalade dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. La hausse du nombre de cibles auparavant épargnées, notamment les infrastructures portuaires, énergétiques et les navires marchands, révèle un risque accru pour la principale source de financement de l’effort de guerre russe. Rien qu’en novembre, l’Ukraine a mené plusieurs frappes contre les ports de Touapsé et de Novorossiïsk, entraînant la suspension temporaire des exportations ou chargements de pétrole en raison de dommages infrastructurels. La Russie a, de son côté, intensifié ses frappes contre les ports ukrainiens, en particulier Izmaïl et Odessa. Les attaques ont également touché les États de la région : l’Azerbaïdjan et la Türkiye ont dénoncé les frappes récentes contre des ports et des navires, tandis que la Roumanie a dû évacuer deux localités après les frappes sur Izmaïl.
Ces attaques marquent probablement un tournant dans la nature des opérations menées par l’Ukraine et la Russie contre les infrastructures et l’activité maritimes de l’autre. Jusqu’ici, les deux pays menaient régulièrement des frappes réciproques contre les ports, les infrastructures énergétiques, les bâtiments navals et, plus sporadiquement, contre des navires marchands. L’Ukraine s’abstenait généralement de cibler les navires-cargos russes en mer Noire, probablement afin d’éviter des représailles massives contre ses ports et les navires commerciaux empruntant son « corridor humanitaire ». En retour, la Russie évitait de mener des frappes significatives contre les ports ukrainiens et la navigation commerciale, sans doute pour prévenir des attaques visant ses propres expéditions de pétrole et de gaz.
Désormais, l’Ukraine revendique explicitement les attaques contre des pétroliers, allant jusqu’à diffuser des images montrant des véhicules de surface sans équipage (USV) frappant des navires, envoyant ainsi un message clair aux armateurs et aux opérateurs : transporter du pétrole russe comporte désormais des conséquences.
Chronologie
- 27 nov. – Le pétrolier Mersin, appartenant à des intérêts turcs, a été endommagé par des explosions alors qu’il était au mouillage près de Dakar, au Sénégal. Mersin n’était pas lui-même sous sanctions, mais son exploitant, la société turque Besiktas Shipping, a vu plusieurs de ses pétroliers inscrits par la Direction principale du renseignement ukrainien (GUR) sur la liste des navires soutenant l’agression russe.
- 28 nov. – L’Ukraine a ciblé deux pétroliers sanctionnés battant pavillon gambien, Kairos et Virat, au moyen d’USV, alors qu’ils se dirigeaient vers la Russie dans le sud de la mer Noire, près de la Türkiye.
- 29 nov. – L’Ukraine a attaqué le port russe de Novorossiïsk, endommageant les installations d’amarrage du terminal maritime du Consortium du pipeline de la mer Caspienne (CPC).
- 2 déc. – Le navire russe MIDVOLGA-2 a été frappé au large des côtes turques alors qu’il naviguait de la Russie vers la Géorgie, bien que l’Ukraine ait nié toute implication dans l’attaque.
- 2 déc. – Besiktas Shipping a annoncé qu’elle cesserait toute relation commerciale avec la Russie.
- 10 déc. – L’Ukraine a frappé, au moyen d’USV, le pétrolier Dashan battant pavillon gambien dans le sud de la mer Noire, alors qu’il était en route vers la Russie.
- 10–11 déc. – L’Ukraine a utilisé des drones longue portée pour frapper des plateformes pétrolières et gazières dans le champ Vladimir Filanovsky, en mer Caspienne, suspendant la production.
Le moment choisi par l’Ukraine pour mener ses frappes est également notable au regard de la pression diplomatique actuelle entourant les négociations entre les États-Unis, la Russie et l’Ukraine. Ces attaques exposent le corridor maritime ukrainien à des représailles, ce qui suggère que Kyiv estime que les gains stratégiques potentiels l’emportent sur les risques encourus. Elles offrent à l’Ukraine un levier supplémentaire dans les discussions, en érodant l’image de maîtrise que cherche à projeter Moscou et en mettant en lumière la vulnérabilité de ses routes d’exportation énergétique. Parallèlement, bien qu’une réponse russe perturbant les exportations de céréales ukrainiennes nuirait sévèrement à l’économie de Kyiv, une telle action isolerait encore davantage Moscou sur le plan diplomatique, compte tenu de l’importance mondiale des céréales ukrainiennes pour la sécurité alimentaire et de la dépendance de plusieurs partenaires de la Russie à ces approvisionnements. Une telle démarche risquerait d’aliéner des pays que Moscou ne peut se permettre de perdre, notamment en Afrique, au Moyen-Orient et dans certaines régions d’Asie, où les céréales ukrainiennes constituent une source d’importation essentielle.
Malgré cela, la Russie devrait tout de même lancer des frappes plus intenses contre les ports ukrainiens, endommageant volontairement ou non les infrastructures et les navires commerciaux. Elle pourrait également commencer à viser les navires transitant vers ou depuis l’Ukraine en mer Noire, affectant ainsi l’aide destinée à Kyiv et ses exportations. De son côté, l’Ukraine poursuivra probablement sa campagne contre le transport pétrolier russe, en ciblant délibérément les navires liés à la « flotte fantôme » de la Russie et en menant plus régulièrement des attaques contre les ports et terminaux pétroliers.
À mesure que la situation sécuritaire en mer Noire continuera de se détériorer, les coûts d’assurance pour les opérateurs légitimes devraient augmenter à court terme. Les compagnies maritimes qui ont cessé de transiter par la mer Noire continueront vraisemblablement d’éviter la zone, tandis que celles qui y opèrent encore pourraient revoir leur position. La poursuite des attaques risque de mettre sous pression les principales routes maritimes mondiales et de perturber les chaînes d’approvisionnement, en particulier pour les pays riverains de la mer Noire.
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